À partir de novembre 1961, les manifestations réunissant plusieurs milliers de personnes reprennent, à l'initiative du PSU, le 1er novembre, des jeunesses communistes et des étudiants du PSU, le 18 novembre, du Mouvement de la Paix le 29 novembre. Pour déjouer les plans de la police, le PSU a mis au point une tactique basée sur des faux points de rendez-vous avec diffusion du vrai point de rendez-vous par des canaux internes une demi-heure seulement à l'avance11.
À la suite de l'échec du putsch des généraux en avril 1961, un certain nombre de militaires entrés dans la clandestinité se sont alliés à des activistes pied-noirs pour constituer l'Organisation armée secrète (OAS), surtout active en Algérie, mais qui commence à s'implanter en métropole à partir du mois de juin12. Les forces de gauche s'efforcent alors de mettre sur pied des manifestations puissantes à la fois pour stimuler le processus de paix et pour exiger une attitude plus résolue contre l'OAS13.
La manifestation du 19 décembre convoquée en région parisienne par la CGT, la CFTC et l'UNEF entre dans le cadre d'une « journée d'action contre l'OAS et pour la paix en Algérie ». La préfecture de police a accepté le principe d'un rassemblement place de la Bastille, mais s'oppose à tout cortège. Le directeur général de la police municipale fera état de 20 000 manifestants. Parmi ceux-ci, certains refusent d'obtempérer aux ordres de dispersion donnés par la police et sont chargés. De jeunes manifestants ripostent. On comptera parmi les forces de l'ordre une quarantaine de blessés. La presse du 20 décembre, y compris France-Soir et Paris Jour, est frappée par la généralisation de la violence policière. Parmi la centaine de blessés dénombrés chez les manifestants, on compte deux tiers de femmes13.
La presse de droite comme L'Aurore ou Le Figaro reprennent l'argumentaire gouvernemental et désignent les unités de choc du Parti communiste comme responsables de la violence de la manifestation. Des journaux comme Le Monde ou Combat relèvent la contradiction du gouvernement à vouloir « sévir contre les adversaires de l'OAS tout en prétendant la combattre »14. Pour Jean-Paul Brunet, le système policier dont les méfaits s'illustreront à Charonne est en place dès le 19 décembre et au sommet de l'État, de Gaulle tient à symboliser un large rassemblement n'excluant d'un côté que l'OAS et les fanatiques de l'Algérie française et, de l'autre, les communistes et leurs alliés. En ces années, précise Brunet, de Gaulle assume seul la politique générale du pays, mais aussi ses modalités pratiques et, plus particulièrement, l'interdiction des manifestations15.
Au début de l'année 1962, sous l'impulsion d'André Canal, l'OAS multiplie les attentats en région parisienne. Le 4 janvier, un commando en voiture mitraille l'immeuble du Parti communiste, place Kossuth, blessant grièvement un militant au balcon du 2e étage. La manifestation communiste de protestation du 6 janvier se déroule sans incident notable. Dans la nuit du 6 au 7 janvier, c'est le domicile de Jean-Paul Sartre qui est l'objet d'un plasticage. Le 24 janvier, on compte 21 explosions dans le département de la Seine, visant des personnalités ou des organisations supposées hostiles16. Ces actions de l'OAS renforcent la confiance que les Français portent à de Gaulle. En décembre 1961, un sondage montre que l'OAS ne bénéficie d'une certaine sympathie qu'auprès de 9 % d'entre eux16. Avec le recul de l'Histoire, il est apparu que l'OAS-Métropole n'a jamais eu une réelle stratégie de prise de pouvoir mais, en ce début de l'année 1962, les plasticages qui se multiplient laissent entrevoir la menace d'une guerre civile et comme l'analyse Brunet, les contemporains hostiles à l'OAS n'ont que l'alternative d'une confiance passive en de Gaulle ou la mobilisation militante dont l'efficacité reste à démontrer16. Au lendemain de Charonne, le 15 février, un article signé Regulus dans L'Express tentera d'expliquer que la politique du gouvernement et plus particulièrement du ministre de l'Intérieur Roger Frey est sous-tendue par l'idée que l'armée ne basculera que si le pouvoir apparaît incapable de faire face à la menace communiste dénoncée par l'OAS16.
Le 15 janvier, le PSU crée le GAR (Groupe d'action et de résistance), structure clandestine qui rassemble quelques centaines de militants et qui couvre les murs de Paris de son sigle. Le 26 janvier, plusieurs formations politiques de gauche parmi lesquelles la SFIO, le Parti radical, la LICRA constituent un « Comité national d'action contre l'OAS et pour une paix négociée »16. Le 5 février, au cours d'une conférence de presse, de Gaulle stigmatise ces « agitateurs qu'il faut réduire et châtier » tout en relativisant leur action. Il ajoute que c'est au gouvernement de faire face à la situation16.
De fait, un quadrillage policier est mis en place dans Paris, ce qui n'empêche que, dans l'après-midi du 7 février, dix charges plastiques explosent au domicile de diverses personnalités : deux professeurs de droit, Roger Pinto et Georges Vedel, deux journalistes, Serge Bromberger, du Figaro, et Vladimir Pozner, blessé grièvement, deux officiers, le sénateur communiste Raymond Guyot dont la femme est blessée. Un dernier attentat qui vise André Malraux défigure une fillette de 4 ans, Delphine Renard16
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