Le départ des pieds noirs

L'arrivée au pouvoir du général de Gaulle après le 13 mai 1958 avait renforcé la croyance en un avenir possible pour l'Algérie française. Mais les annonces successives rapides de l'évolution de la politique algérienne du général de Gaulle156 instillent le doute, puis la révolte et enfin une forme de désespoir chez les partisans de l'Algérie française157. Les temps forts de la période sont le Référendum sur l'autodétermination en Algérie (janvier 1961)158, l'échec du putsch d'Alger (avril 1961), le cessez-le-feu (mars 1962), étapes conduisant l'Algérie dans une spirale de violences réciproques. L'OAS (Organisation armée secrète), organisation clandestine anti-indépendantiste composée de militaires et de civils (d'Algérie et de métropole), est refondée début mai 1961 à Alger, et se lance dans l'action « payante et spectaculaire » (Raoul Salan), c'est-à-dire des hold-up, vols d'armes, attaques de policiers, de barbouzes, de gendarmes mobiles159. Puis, après le 19 mars 1962, l'OAS utilise en Algérie des méthodes terroristes160 en organisant aussi des attentats contre les Algériens et Européens qui étaient pour l'indépendance. Parallèlement, le FLN intensifie les attentats aveugles (pendant la trêve unilatérale de mai à août 1961) et décide de cibler davantage l'OAS à partir de novembre 1961161. Le début de 1962 voit une escalade sans précédent du terrorisme, le nombre des attentats de l'OAS dépassant à la mi-janvier ceux du FLN161 dont les attentats s'arrêtent quelque temps autour du 19 mars 1962, pour reprendre sélectivement contre des membres de l'OAS, puis rapidement contre tout Européen, quel qu'il soit, notamment sous la forme d'enlèvements162, le FLN n'appliquant pas les accords d'Evian, la France laissant faire.
Mais la violence prend aussi un aspect de guerre civile franco-française. Le quartier européen de Bab el Oued entre en insurrection le 23 mars 1962 et il s'ensuit une bataille entre pieds noirs européens anti-indépendantistes et métropolitains appelés du contingent. Afin de briser le blocus de Bab el Oued, des tracts de l'OAS appellent les civils à venir manifester sans armes et en arborant le drapeau français. Un barrage est forcé et le 4e régiment de tirailleurs mitraille le cortège et fait 80 morts et 200 blessés civils. En effet, de nombreux blessés décéderont les jours suivants à l'hôpital Mustapha.
À l'approche du référendum d'autodétermination, des commandos de l'OAS lancent l'« opération 1830 », avant de quitter l'Algérie, en juin ; cela consiste à redonner à l'Algérie son état pré-colonial en pratiquant la politique de la terre brûlée pour supprimer toutes traces de la présence française, à cet effet le port d'Oran est incendié et la bibliothèque de l'Université d'Alger est détruite par le feu69.
C'est ce contexte qui conduit un million de Français (Pieds-Noirs, les Harkis, les Juifs, etc.) à quitter l'Algérie en quelques mois, principalement d'avril à juin 1962. Un million de réfugiés algériens reviennent en Algérie163. L'historien JJ Jordi n'hésitant pas à parler d'épuration ethnique.
L'indépendance de l'Algérie est proclamée après les résultats du référendum d'auto-détermination, mené cette fois dans les départements d'Algérie69.
Quant aux colons stricto-sensu (c'est-à-dire dans le sens d'usage courant en Algérie de l'époque, de propriétaires-exploitants agricoles), leur départ est plus échelonné que celui de la masse des Pieds-Noirs164. Il y aurait eu en septembre 1962 encore 15 000 colons exploitant leurs terres en Algérie, sur un total estimé de 22 000165. Toutes les terres, propriétés des Européens, étant nationalisées en octobre 1963, le départ définitif des colons et de leurs familles sera terminé en 1964.

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