El Moudjahid (1956-1962)

El Moudjahid (1956-1962)

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El Moudjahid
Image illustrative de l’article El Moudjahid (1956-1962)

PaysDrapeau de l'Algérie Algérie
LangueFrançaisarabe
Périodiciténos 1-10 : irrégulier
nos 11-91 : quinzomadaire (en alternance arabe/français chaque semaine)
GenreOrgane officiel
Diffusionenv. 10 000 ex. (1957-1962)
Date de fondationjuin 1956
Date du dernier numéro19 mars 1962
Ville d’éditionAlger (1956-1957)
Tétouan (1957)
Tunis (1957-1962)
El Moudjahid (en arabe المجاهد) est un journal algérien, organe officiel de communication du Front de libération nationale, publié pendant la guerre de libération nationale algérienne, de juin 1956 au 19 mars 1962, en deux éditions, française et arabe.

    Histoire

    Après le déclenchement de la guerre d'indépendance algérienne, plusieurs bulletins ronéotypés sont publiés par les wilayas1 pour informer principalement les troupes de l'ALN : L'Écho du TitteriLe Bulletin Intérieur (ZAA), La VéritéBulletin de Nouvelles des CombattantsLa Voix du MoudjahidLa Voix des MontagnesRenaissance algérienne... À l'extérieur le FLN publie depuis le 22 octobre 1955 un journal pour faire connaître son combat : Résistance algérienne, en 2 langues (arabe et français) et 3 éditions (ParisTétouan et Tunis). Malheureusement ce journal a une parution irrégulière.
    Premier numéro d'El Moudjahid(juin 1956)
    Abane Ramdane charge alors Saâd Dahlab et Benyoucef Benkhedda d'une étude sur la stratégie de propagande et d'information de la Révolution. La conclusion du rapport est qu'il est nécessaire de créer un hebdomadaire.
    En juin 1956 l'édition en français du journal El Moudjahid est fondé. Il est publié en parallèle des 3 éditions de Résistance algérienne2.
    Le premier numéro du journal (36 pages) est tapé à la machine par Izza Bouzekri, l'épouse de Ramdane Abane. Il est tiré à la ronéotype dans la scierie de Mostefa Benouniche, rue Mazella, à Kouba, au presbytère de l'abbé Declercq ou celui de l'abbé Bertal, près de Notre-Dame d'Afrique3.
    Le Comité de coordination et d'exécution (CCE), issu du Congrès de la Soummam organisé le 20 août 1956, décide alors d'en faire l'organe officiel de communication du Front de libération nationale (FLN) et de la Révolution algérienne. Résistance algérienne est définitivement absorbé en 19574 et El Moudjahid devient l' « école de la Révolution algérienne »5 pour Rédha Malek, ancien Premier ministre algérien et ancien directeur de l'édition francophone d'El Moudjahid (de 1957 à 1963).
    Les six premiers numéros d'El Moudjahid paraissent clandestinement à Alger de juin 1956 à janvier 1957, tapés par Izza Bouzekri et Nassima Hablal. Le no 7, à la veille de la grève des huit jours de janvier/février 1957, est saisi1 et les moyens d’impression détruits lors d’une opération des parachutistes de l’armée française. El Moudjahid reparaît à Tétouan au Maroc le 5 août 1957, pour trois numéros (du no 8 au no 10). À l'occasion de la « renaissance » du journal, le CCE annonce dans le no 8 l'officialisation d'El Moudjahiden tant que « seul organe de la Révolution algérienne ».
    La rédaction est ensuite transférée à Tunis, où sont publiés tous les numéros suivants, du 11, daté du 1er novembre 19576 jusqu'au 91, daté du 19 mars 1962.
    Dès mai 1962, le journal est vendu à Constantine et dès juin 1962 il est diffusé partout en Algérie7.

    Contre-propagande française

    Les services de contre-propagande française ont distribué plusieurs numéros falsifiés d'El Moudjahid, par exemple le no 61 du 16 mars 1960, dans lequel des articles ont été remplacés par des articles « remaniés » tentant de faire croire que le FLN revendiquait des massacres et des assassinats8.

    Mort de Abane Ramdane

    Numéro 24 (29 mai 1958) : « Abbane Ramdane est mort au champ d'honneur »
    Dans le numéro 24 (29 mai 1958, voir ci-contre) El Moudjahid annonce dans sa manchette la mort de Abane Ramdane : « Abbane Ramdane est mort au champ d'honneur ». Selon le journal il serait mort dans la première quinzaine du mois d'avril dans un violent accrochage avec les troupes ennemies. Mais le journal ne donne aucune précision sur le lieu de l'accrochage pas plus qu'il ne donne de précision sur les autres djounouds qui sont supposés morts avec lui.
    Mais en vérité, Abane est mort en décembre 1957 assassiné par ses « frères »9.

    Contenu et format

    Le contenu et le format du journal ont beaucoup évolué pendant les années de guerre. Ils se sont stabilisés à la fin 1958.

    Mise en page

    Les 5 premiers numéros ont une mise en page simple dans un style de pamphlet.
    Du n° 6 au n° 15, le journal adopte un format broadsheet avec une mise en page dense et une vraie « une » de journal.
    Entre les numéros 16 et 31 la mise en page du journal évolue largement avec des photos et des titres en gras.
    Entre le numéro 32 et le numéro 91 (dernier numéro) à la fin de la guerre, les photos dominent largement la mise en page10.
    Le journal a un format (lxh) de 25x44 cm11.

    Pagination

    Les numéros ordinaires du journal comptent 12 pages alors que les numéros spéciaux ont une pagination variable12.

    Langue

    Reflet de la situation linguistique de l'Algérie après 125 ans de colonisation française, El Moudjahid est publié en deux éditions : française en 1956 et arabe en 1957.
    Le FLN a dès le départ choisi la « langue impériale » qu'est le français comme langue de travail. Cela correspond aussi à la volonté du FLN d'atteindre une audience internationale13.

    Titre[modifier | modifier le code]

    Le titre El Moudjahid a été choisi parmi d'autres titres (Le SoldatLe Révolutionnaire ou Le Volontaire) pour plusieurs raisons. Il est lié au concept de djihad qui remonte jusqu'au début de l'occupation française en 1830. Il a une signification qui dépasse la signification religieuse14. Il résonne bien tant vis-à-vis des autorités coloniales que des Algériens. Il permet d'unifier les deux éditions arabe et française.
    Pour enlever toute connotation religieuse au titre, les 7 premiers numéros du journal comportaient le sous-titre Le Combattant6, qui est la traduction non religieuse en français du titre15. À ce propos, le journal précisait dès son premier numéro (sous la plume d'Abane Ramdane) que : « En s'intitulant El Moudjahid, cette brochure ne fait que consacrer ce nom glorieux que le bon sens de notre peuple a dès le 1er novembre 1954 attribué aux patriotes qui ont pris les armes pour une Algérie libre, indépendante et démocratique16 ».

    Anonymat des rédacteurs

    El Moudjahid n'a jamais publié les noms de son équipe rédactionnelle et sauf à de rares exceptions les articles n'étaient jamais signés. Quelquefois, les éditoriaux étaient signés « El Moudjahid » ou « La direction d’El Moudjahid ».
    Le numéro 3, publié en septembre 1956, un mois après le congrès fondateur de la Soummam, est le seul numéro où tous les articles sont signés, avec des signatures prestigieuses comme celle de Ramdane Abane (éditorial), Krim Belkacem et Mohammed Larbi Ben M’Hidi.
    Les raisons de l'anonymat des rédacteurs :
    • Affirmer le point de vue collectif de la Révolution,
    • Eviter de mettre un lien entre un certain type d'article et un courant particulier de la Révolution,
    • Empêcher les autorités coloniales d'utiliser les articles contre leurs auteurs s'ils sont arrêtés.
    Certains articles étaient quand même signés :
    • Les courriers officiels de soutiens internationaux étaient publiés avec le nom de la personnalité,
    • Les appels de Ferhat Abbas, président du GPRA,
    • Les rapports de conférences de Frantz Fanon,
    • Les chroniques au jour-le jour de soldats de l'ALN (« Notre armée et sa stratégie », par le Colonel Saadek de la Wilaya IV),
    • Les lettres adressées par les djounouds à leurs familles (seuls les prénoms étaient publiés)17.

    Emblème

    Les titres des 30 premiers numéros (sauf un) était accompagnés de l'emblème islamique du croissant et de l'étoile dessinés à la main. L'emplacement et la taille étaient variables.
    Emblème
    A partir du numéro 8 (5 août 1957) le titre était accompagné du sous-titre encadré : « Organe Central du Front de Libération Nationale Algérienne » accompagné à gauche et à droite de l'emblème (le croissant et l'étoile).
    L'emblème est supprimé à partir du n° 32, ce qui met fin à la référence directe à l'Islam1 et au socialisme islamique. Beaucoup d'éléments de la mise en page ont changé également à partir de ce numéro et des numéros suivants18.

    Sous-titre

    La mention « Organe Central du Front de Libération Nationale Algérienne » est restée présente comme sous-titre sur tous les numéros du journal.
    Elle n'avait pas de place fixe dans les 7 premiers numéros. C'est à partir du numéro 8 publié à Tétouan qu'elle a été placée sous le titre.
    Après le 30e numéro, elle a été déplacée dans le coin supérieur droit de la première page, dans un cadre avec le numéro d'édition, la date de publication et le prix de vente18.

    Encart

    El Moudjahid no 43, premier numéro affichant les coordonnées du journal
    El Moudjahid change sa mise en page à partir du n° 8 (premier numéro imprimé en dehors de l'Algérie) et à cette occasion les éditoriaux, les mémorandums et les communiqués spéciaux apparaissent à part dans des encarts pour marquer leur importance. Ces encarts fixent aussi le vrai statut du journal en tant qu'organe officiel et porte-parole officiel du FLN19.

    Lieu de publication

    Jusqu'au n° 42, le lieu de publication du journal n'était jamais indiqué. C'est à partir du n° 43 (8 juin 1959) que les coordonnées des bureaux à Tunis et à Rabat, adresse et numéro de téléphone, sont indiquées en première page, dans un encadré en haut à droite, avec le numéro d'édition, la date et le prix.
    En publiant ses coordonnées, El Moudjahid voulait prouver qu'il était devenu un journal normal qui n'avait pas besoin de cacher sa localisation. De plus, en affichant sa localisation en Tunisie et au Maroc, le journal montrait la solidarité des deux pays frères avec la Révolution algérienne et prouvait que les deux pays avaient retrouvé toute leur souveraineté et que la cause algérienne était plus importante que les relations avec la France.
    Deux ans plus tard, avec le numéro 82 (24 juin 1961) El Moudjahid arrêta de publier les coordonnées du journal20.

    Prix

    Le journal a toujours été payant et le prix de vente a toujours été affiché, sauf dans les numéros 2 à 8. Ainsi le journal donnait la preuve qu'il avait une demande et une audience qui payait pour le lire21.
    • Du no 1 au no 29 : le prix du journal était libellé exclusivement en francs algériens.
    • Du no 30 au no 40 : le prix du journal était généralement libellé en francs et en millimes tunisiens.
      • Sauf les nos  32 (20/11/1958), 33 (08/12/1958) et 39 (10/04/1959) : le prix est libellé exclusivement en millimes tunisiens
    • Du no 40 (24/4/1959) au no 81 (04/06/1961) : le prix du journal était libellé exclusivement en francs algériens.
    • À partir du no 82 (25 juin 1961) : le prix de vente est libellé dans les monnaies des trois pays du Maghreb :
      • Algérie – 0,40 nouveaux francs
      • Tunisie – 40 millimes
      • Maroc – 0,40 dirham.
    Le prix n'était pas excessif et il est resté assez stable entre 1956 et 1962.
    • Du no 9 (20 août 1957) au no 30 (10 octobre 1958) : 30 francs
      • Sauf le numéro spécial non numéroté du 19 septembre 1958 : 20 francs.
    • Du no 31 (1/11/1958) au no 91 (19/3/1962) : 40 francs/0,4 nouveau franc
      • Sauf le numéro double 53/54 (01/11/1959) et le n° suivant 56 (16/11/1959) : 50 francs

    Slogan

    Le slogan « La Révolution par le Peuple et pour le Peuple » est d'abord celui de l'organe de presse du MTLD : L'Algérie Libre22. Il figure dans El Moudjahid dès le premier numéro6. Ce slogan a un lien évident avec la phrase prononcée par Abraham Lincoln dans son discours à Gettysburg en 1863 (« government of the people, by the people, for the people »)23,24.
    Ce slogan positionnait le journal comme témoin et comme participant à la Révolution. Il constituait une déclaration que le FLN et El Moudjahid représentaient la nation algérienne.
    Le slogan n'a pas été repris dans les numéros suivants :
    • Numéro spécial du 19/9/1958
    • Numéros 31 (01/11/1958) à 47 (03/08/1959)
    Après l'indépendance, le slogan a été incorporé dans la Constitution algérienne (article 11) en tant que devise nationale25 sous la forme « Par le Peuple et pour le Peuple ».

    Drapeau

    Le drapeau algérien confirmait une déclaration selon laquelle le FLN et El Moudjahid représentaient la nation algérienne. Il constituait un acte révolutionnaire car il donnait une identité nationale à l'Algérie et aux Algériens, alors que la France considérait que le pays qu'elle avait envahi en 1830 n'était pas une nation souveraine mais un fouillis de tribus, quelques routes de caravanes et un territoire désert.
    L'objectif du journal est de reconstruire l'histoire de l'Algérie que le pouvoir colonial a voulu effacer. Le drapeau permettait de contrecarrer les déclarations de la France selon lesquelles « l'Algérie est une partie intégrante de la France ». Le drapeau algérien évoquait l'étendard de l'Émir Abdelkader. C'était un symbole qui établissait que l'Algérie existait déjà avant l'occupation française et avait une histoire1.
    Sur les trois premiers numéros, le drapeau était dessiné à la main. Ensuite il apparaissait très souvent sur les photos de la première page, ce qui constituait une preuve de sa réalité.
    Le numéro 48 (17/8/1959) consacré à la Conférence des États Africains de Monrovia, affichait le drapeau algérien au milieu des drapeaux des pays africains, avec comme titre : « Le drapeau algérien a flotté à Monrovia ».
    Le numéro 74 (15/12/60) révélait une photo du drapeau algérien brandie par une femme à Alger pendant les manifestations de décembre 1960, avec le titre : « Le drapeau algérien flotte à Alger ».
    Dans le no 83 (19/8/61), le journal publiait une photo du drapeau algérien qui flottait au dessus d'une grande manifestation à Casablanca au Maroc, avec le titre : « L’Algérie souveraine ».

    Rédaction

    Jusqu'au numéro 10 (Alger et Tétouan), une seule rédaction publiait les deux éditions en arabe et en français.
    A compter de la période tunisienne (numéro 11), les deux rédactions sont séparées.
    Coordination
    Édition arabe
    Édition française

    Périodicité et tirage

    Les 7 premiers exemplaires, publiés entre juin 1956 et janvier 1957, avaient une périodicité mensuelle1. Le 7e numéro a été imprimé mais n'a jamais été publié car il a été découvert et saisi par l'armée française pendant la bataille d'Alger1.
    A partir de la période tunisienne (numéro 11 du 01/11/1957), chaque édition est théoriquement imprimée une semaine sur deux, en alternance avec l'autre édition8.
    Le tirage est évalué à 3 000 exemplaires pour les numéros sortis à Alger et à 10 000 exemplaires pour les numéros de Tunis26.

    Archives[modifier | modifier le code]

    Toute la collection des numéros de l'édition française a été rééditée en Yougoslavie en 196227.
    Toute la collection des numéros de l'édition arabe a été rééditée en 1984 par le Ministère de l'Information et de la Culture27.
    En France, les numéros du journal sont archivés dans différentes collections : celles de la BNF notamment, mais aussi celles du Service historique de la Défense, du CHEAMainsi que celles du Centre des Archives d’Outre-Mer à Aix-en-Provence, où sont regroupées toutes les archives civiles venues d’Algérie28. Ils sont également conservés à l'IMA29.
    En Europe, la collection de l’Ecole des Hautes études internationales à Genève est presque complète puisque ne manquent que les n°1 et 7, de même que celle de la British Library à Londres où seuls les 10 premiers numéros ne figurent pas, celle enfin de l’université de Bologne, en Italie, complète à partir du n°8. Elles sont constituées d’exemplaires originaux en édition française28.


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