Aveux du général Massu
La torture en Algérie fut évoquée, entre autres, par le chef militaire d'Alger, le général Jacques Massu dans son ouvrage La vraie bataille d'Alger publié en 1972. En 2000, lors d'un entretien donné au quotidien Le Monde du 21 juin 2000, il déclara que « le principe de la torture était accepté ; cette action, assurément répréhensible, était couverte, voire ordonnée, par les autorités civiles, qui étaient parfaitement au courant »75. Il ajoute :J'ai dit et reconnu que la torture avait été généralisée en Algérie (...) On aurait dû faire autrement, c'est surtout à cela que je pense. Mais quoi, comment ? Je ne sais pas. Il aurait fallu chercher ; tenter de trouver. On n'a malheureusement pas réussi, ni Salan, ni Allard, ni moi, ni personne..
Cette déclaration fait écho à l'accusation de Louisette Ighilahriz, dite « Lila », militante algérienne torturée en 1957 à Alger, devenue psychologue76. En 2000, elle accusa le général Massu, et le général (colonel à l'époque) Bigeard, d'avoir laissé le champ libre à la torture en Algérie. Massu le reconnut, mais Bigeard réfuta l'accusation77. Selon Louisette Ighilahriz,
Massu ne pouvait plus nier l'évidence78.
Louisette Ighilahriz est l'auteur du livre Algérienne aux éditions Fayard ; elle porte plainte et gagne ses procès contre ceux qui mettent en cause son témoignage79. Le général Maurice Schmitt a ainsi été condamné à verser un euro symbolique et publier le jugement dans trois journaux80. En appel, le général Schmitt est relaxé, sa bonne foi ayant été reconnue81.
Selon Paul Aussaresses, qui ne regrette rien, le général Massu était au courant chaque jour de la liste des prisonniers passés à la question, ainsi que des « accidents » de parcours. Poursuivi par la Ligue des Droits de l'Homme pour « apologie de crimes de guerre », Aussaresses a été condamné à 7 500 euros d'amende par la 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris, les éditeurs Plon et Perrin ont été condamnés à 15 000 euros d'amende chacun s'agissant du livre Services spéciaux, Algérie 1955-1957 : Mon témoignage sur la torture. Ce jugement a été confirmé en appel en avril 2003. La cour de cassation a rejeté le pourvoi en décembre 2004. En effet, le général justifiait à plusieurs reprises dans ce livre l'emploi de la torture qui permettrait de sauver des vies innocentes en poussant les terroristes présumés à révéler les détails de leurs projets et leurs complices. À la suite de ces révélations, le 4 mai 2001, Jacques Chirac, président de la République, demande que la Légion d'honneur de Paul Aussaresses lui soit retirée et que le ministère de la Défense prenne des sanctions disciplinaires à son égard82. Le général Aussaresses avait fait l'objet de plaintes pour les crimes de tortures qu'il avait reconnus dans son livre. Une autre procédure avait été ouverte mais la Cour de cassation a rejeté, les poursuites intentées contre le général pour les crimes de tortures eux-mêmes, amnistiés depuis.
Interrogée sur l'évolution de la perception des problématiques liées à la torture pendant la guerre d'Algérie, Raphaëlle Branche constate que « La reconnaissance officielle de la guerre en Algérie n'a pas conduit à une modification du discours officiel sur la pratique de la torture pendant cette guerre. Alors qu'elle fut utilisée au sein d'un système de répression dont elle constituait un élément central, elle est toujours rapportée à des dérives d'éléments minoritaires ! Cela dit, indépendamment du discours des plus hautes autorités de l'État, il me semble que la reconnaissance de cette pratique et de sa place dans la guerre est de plus en plus nette dans l'opinion publique, surtout depuis, précisément, qu'un débat public a eu lieu sur cette question en 2000 et 200183. »
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